Un des derniers artisans historiques de l’univers Marvel, dessinateur emblématique de Spider-Man et co-créateur du Punisher et de Wolverine, John ROMITA Sr. est mort à 93 ans le 12 juin 2023 à Floral Park (État de New York).
Né le 24 janvier 1930 à Brooklyn dans une famille d’immigrants italiens il dévore Terry et les Pirates de Milton Caniff et les bandes de Noel Sickles, Roy Crane au point de suivre les cours de la School of Industrial Art de Manhattan afin de devenir, lui aussi, un as de la BD. Diplômé en 1947, il enchaîne les piges puis travaille pour l’imprimeur Forbes Lithograph Manufacturing Company. En 1949, un ancien camarade de lycée, Lester Zakarin, lui propose de l’aider sur des pages qu’il réalise pour les éditeurs Trojan (Crime-Smashers) et Timely. Dans les bureaux de ce dernier, il fait la connaissance du jeune editor-en-chef, directeur artistique et scénariste, un certain Stan Lee.
Mobilisé en 1951, John Romita évite la Corée et reste au pays, sur Governors Island où il dessine des affiches de recrutement pour l’US Army.
Durant son temps libre, il retourne voir Stan Lee chez Timely - devenu Atlas Comics. Il enchaîne alors quantité de récits en tous genres : des histoires fantastiques, de guerre, d’aventure et des westerns (Battle, Battlefront, War Action, Adventures into Weird Worlds, Men's Adventures, Spellbound, Western Outlaws, Six-Gun Western). Il co-crée la série Tex Dawson, the Western Kid qu’il dessine durant ses 17 numéros (1954-57).
Mariés en 1952, Romita et son épouse emménagent à Brooklyn où naîtront deux fils dont John Jr., en 1956, qui deviendra à son tour une grande figure des comics (dessinateur de Spider-Man, Iron Man mais aussi Superman, il cocréera Kick-Ass avec Mark Millar). La famille s’installera ensuite plus durablement sur Long Island.
Atlas réduisant la voile, il passe chez DC où il illustre des tonnes de comics à l’eau de rose (Falling in love, Girls' Love stories, Girls' Romance, Young Romance) de 1957 jusqu’au milieu des années 60. La firme ne lui proposant plus rien, il travaille pour la publicité et se cantonne à encrer des comics de super-héros pour le successeur d’Atlas, Marvel Comics. Afin de le convaincre de revenir au dessin, Stan Lee, editor et scénariste, lui offre Daredevil à partir du n°12 (01.66). Romita en illustre 8 numéros, dont un dyptique avec un certain Spider-Man en co-vedette.
Au printemps 66, Lee lui demande de remplacer Steve Ditko qui vient de claquer la porte. Bien qu’il eût préféré rester sur Daredevil, Romita crayonne The Amazing Spider-Man n° 39 (08.66). Encré par Mike Esposito puis Jim Mooney, il va vite faire de la série le numéro un des ventes de l’éditeur (dépassant Fantastic Four) et en réalisera une centaine de numéros jusqu’à 1973, participant amplement à l'écriture de plus de la moitié ! Il y co-crée de nouveaux personnages tels Mary Jane Watson au n° 25 (06.65) ou le Punisher (Frank Castle) au 129 (02.74) et quantité de supervilains.
Ayant pris l’habitude de venir travailler sur place, il se retrouve vite débordé, dessinant et retouchant de nombreuses couvertures récits des super-héros maison. En 1972 il co-invente Luke Cage, Hero for hire (Power Man) avec Roy Thomas, Archie Goodwin et George Tuska. L’année suivante, dans Incredible Hulk n°180, il est un des créateurs de Wolverine, toujours avec Thomas, Len Wein et Herb Trimpe. Romita abandonne peu à peu le dessin de Spider-Man et se contente de réaliser les layouts. Promu directeur artistique en juin 1973, il s’attache à parfaire l’image des comics Marvel au long de deux décennies, retrouvant à l’occasion Spidey pour ses débuts dans la presse quotidienne de 1977 à 1980, dans des numéros spéciaux ou au n° 500 d’Amazing Spider-Man (sc. J. Michael Straczynski, 12.03) (en France dans Spider-Man n° 55, 08.04). Il a aussi crayonné quelques épisodes de Hulk, Iron Man, les X-men et les premiers numéros de Star Wars : Droids avec Dave Manak et Carlos Garzon (Marvel Star, 1986).
Prix Inkpot au Comic-con de San Diego en 1979, John Romita y a été intronisé au temple de la renommée Will Eisner en 2002. Il avait aussi été intronisé au Jack Kirby Hall of fame en 1999 (Prix Harvey) au titre de sa longue carrière et au Joe Sinnott Hall of fame (Prix Inkwell, 2020).
Ses pages avec le tisseur de toile seront traduites en France dans Strange (Lug) dès le n°37 de 1973 et rééditées à de maintes occasions dans des spéciaux, albums et compilations chez Semic puis Panini. Ses strips sont publiés dès 1977 dans le quotidien Centre-Presse puis l'hebdomadaire Télé Poche. Une infime partie de sa production pour les comics sentimentaux est traduite dans les pockets d’Arédit des années 60 (Romantic, Célia, Calypso, Cinévision...).